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Chômeries
14 février 2008

« Laissez-moi chômer en paix ! »

« Laissez-moi chômer en paix ! », dit le chômeur. « Ma sérénité tient à cet état de quiétude et de régression qu’on appelle le chômage. Mes journées sont délectables. Choisir de ne rien faire est hygiénique, dans une société performative qui conduit immanquablement l’actif à la dépression. »

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Le chômeur n’est pas dévoué à son chômage, il ne l’entretient pas comme un plan de carrière. Le chômeur n’est pas un individu vivant au bonheur-du-jour, amoureux de la léthargie, vautré dans une délectable indifférence au frais des contribuables. Le chômeur n’a pas le temps pour ces complaisances. Car il cherche et il cherche. Tant et si bien qu’il ne sait plus ce qu’il cherche, car il n’a pas de cadre. Et s’il finit par gagner cette torpeur que l’on souhaite parfois confondre avec un accomplissement de son désir, ce n’est pas de bon cœur Messieurs dames.

Le chômeur s’évanouit peu à peu du communautaire, et symétriquement le contrat social est de moins en moins signifiant dans son esprit. Les rôles, les protagonistes, la situation, ces termes disparaissent de son vocabulaire. Il perd l’illusion minimum, nécessaire à la résistance. En cela, sa situation n’est pas très différente de l’employé mis à l’écart par son pervers de patron, qui en est réduit à mimer les gestes de l’emploi.         

Le chômage abîme, le chômage gâche. Lorsqu’on lui proposera un travail, après de nombreux mois de patience le chômeur ne sera plus compétent. Il aura perdu son élan. L’effort de travail ne sera pas le même pour lui que pour un « travailleur sain ».

En attendant, le chômeur cherche, régulièrement embarrassé par une envie indécente de se tamponner la tête contre un mur bien ferme. Un peu de pudeur, chômeur ! Oui, le chômeur devient incontinent. Il n’a plus de cadre et l’ordre des priorités lui échappe, il distingue difficilement l’essentiel du superflu, et son discours devient pénible à entendre. Surtout lorsqu’il s’agrémente de petits granulés destinés à camoufler son trouble.

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